Témoignage de Brigit

Quand j’étais jeune, on m’a appris qu’une fille était moins forte physiquement qu’un garçon. Qu’elle n’avait aucune chance de se défendre si l’on tentait de la contraindre physiquement. À ce moment, on ne m’avait pas laissé le choix d’être la victime. En tant que fille, on m’avait offert la peur en cadeau.

Il y a quelques années, lorsque je travaillais à titre d’intervenante auprès des femmes et adolescentes victimes d’agression sexuelle, j’ai assisté à une démonstration d’autodéfense faite par Sensei Chantal Lepage. Elle était accompagnée de ses filles. Cette démonstration a changé quelque chose en moi. On venait de me défaire de l’emprise de la peur sur mon quotidien de femme.

J’ai fait quelques sessions qui m’ont menée vers une ceinture jaune. Ce n’est pas beaucoup si l’on compare avec l’obtention de la ceinture noire. Toutefois, pour moi ce fut énorme si l’on regarde l’impact que cela a eu sur ma façon d’aborder la vie. L’autodéfense, c’est bien plus que l’apprentissage de techniques d’art martial. C’est l’apprentissage de la confiance en soi, la rencontre avec la force qui nous permet de nous tenir debout dans la tempête. Cette force, je l’ai sentie surgir à travers mon cri, le KIAI.

Aujourd’hui, je ne fais plus d’autodéfense, mais je me surprends encore à croiser des inconnus dans la rue et à soutenir leur regard afin de défier ma peur qui refait surface à l’occasion. Grâce au cours d’autodéfense, j’ai aussi transmis un message à mes filles. Quand la peur s’amène, il est possible de réveiller la guerrière qui sommeille au fond de nous.

Merci Sensei Chantal.

Témoignage de Chantal-Louise

Décider de se donner des outils afin de ne plus être victime n’est pas une décision à prendre à la légère, mais une chose est certaine, cela a des répercussions positives à court, moyen et long terme. Je me souviens très bien être arrivée dans le Dojo de Sensei Chantal Lepage, la tête entre les deux jambes et demandant presque la permission de respirer. J’avais choisi avec elle un programme adapté à ma condition et j’étais positionnée aux côtés des autres participantes. J’avais tellement peur que je croyais m’évanouir! J’ai dû réapprendre à respirer, lever le menton, me tenir droite et regarder dans les yeux…j’apprenais à me respecter et à me faire respecter. Tout d’un coup, je me sentais belle, forte et même si je tremblais encore de l’intérieur, je venais de goûter à la sensation d’« être ». C’était en 2004.

Est arrivé ensuite ce que j’appelle gentiment « la saison des courbatures ». Finit la maternelle et le pleurnichage! On arrête de se plaindre et on travaille! Elle avait raison, on sous-estime trop souvent nos capacités. Roulades, marche rapide, on recule, on se penche, on s’étire, on se roule encore, on court, Go! Go! Go! Que de tubes d’antiphlogistine! J’ai pleuré…j’ai parfois pensé abandonner…

Puis, est arrivé quelque chose d’inattendu : mon corps a changé! Je me sentais bien, j’avais de moins en moins mal, je prenais de l’assurance, je m’exprimais haut et fort, parfois trop… mais personne ne m’a dit de me taire… on me souriait du coin de l’œil ayant l’air de dire: « pas pire, pour une fille qui ne parlait pas! » J’ai fait mes devoirs et quand je me suis sentie assez forte, j’ai cessé d’aller au Dojo mais j’ai toujours continué de me pratiquer à la maison. Plus les années ont passé, plus j’ai modifié ma routine qui est presque devenue du yoga et je me demandais si j’avais encore les capacités que j’avais développées en 2004.

La réponse m’est apparue claire et limpide ces derniers jours. Je me suis fait agresser le 22 août 2016 sur les lieux de mon travail soit 12 ans après avoir croisé le chemin de Sensei Chantal Lepage. J’étais à mon comptoir du service à la clientèle lorsqu’un individu récidiviste s’en est pris à moi. Dès que l’agression a débuté, j’ai senti mon corps prendre exactement la place qu’il devait. Instinctivement mon pied droit a reculé, le gauche s’est légèrement incliné, mes genoux se sont à peine pliés. Ma main gauche se plaça pour éviter les coups et la droite pour riposter. L’agresseur se donnait un élan pour traverser de mon côté du comptoir lorsqu’il aperçut ma position. C’est là que je lui ai dit calmement mais fortement : « Si tu traverses de mon côté, je ne te garantis plus rien. » Débouté et déstabilisé par mes gestes, il est retombé de son côté. Il m’a craché au visage. Il a été ensuite arrêté et suivront les procédures. Les policiers m’ont expliqué que si je n’avais pas agi de la sorte, j’aurais probablement fini comme les deux autres victimes de l’agresseur, avec des bleus et traumatisée.

Une chose dont je suis profondément convaincue est que l’autodéfense ne constitue pas seulement savoir recevoir ou donner des coups, il s’agit d’abord et avant tout de faire cesser l’agression avant même que nous devenions victime. C’est avoir le pouvoir de dire : NON!

Témoignage de Marie-Hélène

11 Septembre 2000, j’ai 13 ans et comme je suis déjà gardienne d’enfants et que je suis habituée de rester seule quelques heures, mes parents décident de me faire confiance et de me laisser seule à la maison pendant qu’ils vont à un souper d’anniversaire. Ma sœur ainée s’étant organisé une soirée au cinéma, je jubile à l’idée de pouvoir faire ce que je veux de ma soirée. Je suis dans ma chambre, je discute avec mon copain et des amis sur internet en écoutant de la musique. Je ne remarque pas vraiment l’heure passée parce que je m’amuse. Je suis déjà en pyjama et profite de la soirée. Puis, ça sonne à la porte.

Je laisse savoir que je reviens et vais à la porte riant en pensant que ma sœur a oublié ses clefs et me préparant à rire un peu d’elle. Comme je suis seule, la porte est verrouillée par sécurité. J’ouvre donc tout grand, sans regarder par la fenêtre, prête à lancer ma réplique, mais me retrouve face à un homme cagoulé qui est plus grand et plus imposant que moi. Rapidement, je comprends que rien ne va plus et essaie de refermer la porte, mais il est beaucoup plus fort que moi et me pousse à l’intérieur dans l’escalier qui monte vers le haut. Il est entré et a déjà refermé la porte pendant que j’essaie de monter vers la cuisine où se trouve le téléphone le plus proche. Ce combat entre l’escalier et la cuisine ne fait que quelques mètres, mais je ne parviens pas à le repousser assez pour avancer. Il m’agrippe à la gorge avec ses gants trop grands pour lui qui collent à ma gorge et me font mal. Je panique et je ne sais pas quoi faire, il me dit que si je crie ou si je me débats ou essaie encore de m’enfuir, ce sera pire et qu’il me tuera. Je le laisse faire en pleurant et en étouffant mes cris. Comme je n’ai que 13 ans et pratiquement aucune expérience, j’essaie de penser à autre chose et de desserrer sa main de mon cou afin de respirer. Une fois terminé, il ressert ses deux mains assez fort pour que je peine à respirer et me jure de revenir si j’en parle à qui que ce soit, qu’il me suivra et que s’il a su quand venir, il saura si je parle. Je le laisse repartir et me relève avec difficulté et douleurs.

En pleurant, je retourne à l’ordinateur et invente à mon copain que je crois avoir vu quelqu’un passer derrière la maison et que j’ai peur. Je le supplie de venir me rejoindre rapidement et ferme l’ordinateur. J’appelle mes parents avec la même histoire, et les supplie de revenir. Je replace la cuisine comme je peux et m’assois dans le fond du bain, avec la douche téléphone, pour me laver en pleurant et en me demandant ce que je dois faire.

J’ai gardé cette version plus de deux semaines, j’ai feint une foulure à la cheville pour que ma mère soit obligée de venir me porter et me chercher à l’école et ne pas avoir à y aller à pied. J’avais peur, j’étais terrorisée. Chaque personne qui me frôlait dans les corridors me faisait sursauter. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je n’étais que la partie sombre de moi-même. Dès que je m’étendais, je revivais chaque seconde sans arriver à voir le bout du tunnel. Puis, ma professeure de mathématique à l’école se rendit compte que je n’allais pas, moi qui, normalement, étais première de classe, toujours prête à répondre ou à aider, je n’étais qu’un fantôme dans la classe. À bout, je me suis effondrée en larmes et lui raconta tout. La psychologue de l’école et moi avons rencontré ma mère et le processus s’est enclenché. Plainte à la police, examens médicaux trop tard, mais dépistage et vérifications d’usages, psychologues de toutes sortes.

Quand on a 13 ans et qu’on doit affronter tout ça, on se demande si la vie va en valoir la peine, s’il ne valait pas mieux en finir et éteindre la lumière. Je me sentais sale, je me sentais coupable d’avoir ouvert, de m’être laissé faire, de ne pas avoir été capable de me défendre. Je me sentais fragile, inutile et je croyais être un fardeau de douleur pour ma famille qui était ébranlée. Mon copain n’arrivait plus à m’approcher et, malgré que je voulais faire des efforts, je n’arrivais plus à avoir de rapprochements. Je l’ai laissé en m’excusant de lui faire si mal et de ne pouvoir être celle dont il avait besoin.

J’ai finalement trouvé la plus grande aide plusieurs mois plus tard au CALACS. Ma responsable me suggère de suivre des cours d’autodéfense puisque je souffre d’agoraphobie et que je panique dès que je me sens coincée. Ma mère pense alors à Chantal qui est notre deuxième voisine et qui s’entraine souvent à l’extérieur. Elle lui parle de ce projet et Chantal accepte de me rencontrer. Après une grande marche où nous décidons des principaux points dont j’aurai besoin et du genre de cours que j’aimerais, elle accepte de démarrer un cours avec moi et deux autres filles. Ma sœur me seconde avec joie et amène avec elle une amie qui a été présente dans les derniers mois. C’est ainsi que j’ai commencé cours après cours, à reprendre confiance en moi, en mes facultés à dire non plus fort, à imposer mon droit à être libre et à continuer ma vie.

Aujourd’hui, j’ai 37 ans… Oui, déjà 24 années se sont écoulées, certaines séquelles ne partiront jamais, mais je reste à jamais convaincue que, sans Chantal, mon cheminement aurait été plus long et beaucoup plus difficile. Mon fils le plus vieux, aujourd’hui âgé de 17 ans, connait mon histoire, mais sait aussi la base de ce qu’il faut pour se défendre. La plus grande victoire d’un combat est d’arriver à éviter ce combat. Aujourd’hui, j’y arrive.

Témoignage de François

Ce que les arts martiaux m’ont le plus apporté en tant que jeune homme, ce sont l’esprit d’initiative, la confiance en soi et la discipline.

  • L’esprit d’initiative, le fait d’être décisif, de savoir agir lorsque le temps de penser est passé (comme en situation d’agression par exemple) m’a aidé à devenir une personne qui prend le contrôle de sa vie, qui sait ce qu’elle veut et qui n’a pas peur des défis.
  • La confiance en soi, dans un monde où sont véhiculés toutes sortes de standards ridicules et irréalistes, me donne le courage d’avancer dans les périodes de doute et de faire des choix difficiles, mais nécessaires.
  • La discipline développée par les arts martiaux, comme tous ses autres bienfaits, s’applique très bien à la vie de tous les jours. C’est avec les jours, les mois et les années d’entraînement, petit à petit, en accumulant les efforts, que l’on s’améliore. C’est la même chose avec les études ou avec le travail.

Les arts martiaux donnent le goût du défi et nous mettent à la recherche constante du dépassement de soi. On se rend vite compte qu’avec les efforts nécessaires, on est capable physiquement, psychologiquement, émotionnellement de tellement plus que ce qu’on peut croire. C’est pourquoi les arts martiaux inspirent, selon moi, ce qu’il y a de mieux dans la nature humaine : libéré de notre peur de l’adversité, quand on se sent capable de faire face à soi-même, comme de faire face à quoi que ce soit, c’est là que la compassion, la camaraderie et la sagesse brillent le plus.